L’hypnose
classique
La suggestion
L’hypnose Rauschienne
L’hypnose
Ericksonienne
Le titre du présent chapitre n’a pas
seulement pour but d’attirer l’attention du lecteur. Il se trouve que
pendant une séance d’hypnose, vous êtes l’hypnotiseur et le psychothérapeute
se contente de vous aider. L’hypnose, dont beaucoup de gens ont peur,
se résume en fait à une auto-hypnose. Personne ne pourrait vous hypnotiser
sans votre consentement.
Je vous apprendrais peut-être
que vous tombez en hypnose plusieurs fois par jour sans en avoir conscience. La transe
constitue un état naturel psychique. Nous entrons dans cet état lorsque nous
appuyons sur le bouton d’un ascenseur, assis derrière le volant ou en
regardant par la fenêtre d’un train. Vous est-il déjà arrivé d’oublier
de descendre à une station de métro précise ? Si oui, à cet instant
vous étiez en train de réfléchir profondément, en concentrant votre
attention vers l’intérieur et non pas vers le monde extérieur. Cet état,
dans lequel l’individu effectue chaque geste de manière automatique jusqu’à
ce qu’il porte son attention sur quelque chose d’autre, n’est que de l’auto-hypnose.
L’hypnose
classique
Nous sommes
dans le cabinet de l’hypnotiseur. Le psychothérapeute vous fait asseoir dans
un fauteuil confortable, puis d’une voix égale, monotone, soporifique, vous
suggère : “ vos paupières sont lourdes, votre corps se relâche,
vous ressentez une agréable chaleur, vous vous endormez lentement. ”
Qu’est-ce que le patient
ressent à ce moment-là ? Rien. Si vous vous attendez à ce que naisse une
sensation inconcevable, je dois alors vous désillusionner. Une somnolence
légère,
le faible murmure du psychothérapeute, et pendant ce temps vous gardez un contrôle
total de la situation. Et bien oui, voilà à quoi ressemble une séance
d’hypnose. L’hypnose même est une chose, selon toute apparence, dont vous
ne vous rendez pas compte.
Mais comment le psychothérapeute
constate-t-il que vous êtes en état d’hypnose ? Lorsque votre visage
devient symétrique, que la peau de votre visage se teint légèrement de rose
et devient moite, lorsque votre respiration est calme et profonde, que vous vous
tenez immobile en position assise, que vos yeux (s’ils sont ouverts) cillent
rarement, si vous avez cessé de déglutir, cela signifie que vous êtes sous
hypnose.
Le psychothérapeute qui
pratique l’hypnose est présumé avoir dépassé le stade de la maladie de “ l’hypnose
pour l’hypnose ” ou du “ bon, et bien maintenant je vais
hypnotiser ”. Car le remède n’est pas l’hypnose, mais la suggestion
thérapeutique en état de transe.
La
suggestion
La suggestion
équivaut à l’insinuation. Mais qu’est-ce l’insinuation ?
Rien d’autre que la tentative de convaincre quelqu’un de quelque chose. La
suggestion peut être verbale (forme la plus répandue), mais peut aussi bien être
tentée au moyen exclusif de regards, gestes ou mimiques.
On trouve des exemples de
suggestion verbale, c’est-à-dire orale un peu partout dans la vie de tous les
jours. La plupart des mots disposent d’une force suggestive consciente ou
cachée.
À ceci appartiennent les diverses “ prédications ” à but
instructif, comme par exemple : “ tu dois bien étudier ” ou
“ tu ne dois pas te lier d’amitié pour lui ”. Le compliment et
la condamnation sont également une forme de suggestion. Tout compliment est une
suggestion positive (“ tu es un enfant doué ”, “ tu es un
garçon intelligent ”, “ tu es une sage petite fille ”, “ mais
qu’est-ce tu sais bien cuisiner ”) et toute condamnation une suggestion
négative (“ quel être stupide ”, “ imbécile ”,
“ tu ne seras jamais qu’un bon à rien ”, “ tu as
vraiment deux mains gauches ”).
Ceux qui se voient souvent
traiter d’“ être stupide ” en le voulant ou non commencent par
le croire. Si “ nous lui plaçons la barre très bas ”, il se résignera
à sa qualité de “ stupide ”. L’inverse est tout aussi vrai.
Sous l’effet de la suggestion positive (“ et bien, tu vois que tu y
arrives ”), même un individu moyen va souvent bien plus loin qu’une
personne douée mais sans cesse traitée de “ stupide ”.
C’est ce principe que les médecins
utilisent en pratique pour la guérison des maladies psychosomatiques. Le
psychothérapeute commence par endormir légèrement ou hypnotiser le patient (dans
beaucoup de cas, il n’y a pas de différence majeure), puis lui soumet des
suggestions positives, comme : “ vous vous sentez de mieux en mieux ”,
“ votre cœur émet des battements réguliers, rythmés ”, “ vos
poumons, vos reins fonctionnent très bien ”, “ vous êtes à
nouveau une personne pleine de santé et de joie de vivre ”. L’effet thérapeutique
est obtenu par le biais de ladite suggestion.
Sans doute pensez-vous que ce
procédé est quelque peu idiot (pour ma part, tout ceci me paraît infiniment
primitif). Toutefois le secret réside justement en ce que, contrairement à sa
simplicité menant à la limite de l’absurdité, la suggestion fonctionne de
manière remarquable en pratique. Cela signifie que cette méthode constate la
possibilité d’obtenir une amélioration significative de l’état de sept
patients sur dix, dont trois ou quatre se débarrassent totalement de leur
maladie (avant tout de leurs problèmes psychosomatiques).
Aucune suggestion n’est une
insinuation externe. Les gens n’acceptent pas ce que quelqu’un “ tente
de leur marteler ”, mais ce que eux aussi désirent accepter. C’est la
raison pour laquelle la présence du psychiatre s’avère souvent inutile.
Essayez dans un premier temps tous les jours (puis de moins en moins souvent) de
vous suggérer : “ aujourd’hui, mon/ma … (remplacez par le mot
qui convient) va beaucoup mieux qu’hier ”. Le pharmacien français Coué,
qui a été le premier à employer cette méthode, pensait que beaucoup étaient
malades seulement parce qu’ils se figuraient l’être. De même, nous pouvons
arriver à guérir en nous figurant que nous sommes bien portants.
L’hypnose
Rauschienne
C’est une
hypnose momentanée que seuls les professionnels sont capables de provoquer. Un
médecin du nom de Rausch a été le premier voilà très longtemps à
employer pour la première fois non pas l’hypnose, mais la narcose. La narcose
de Rausch s’effectuait “ au moyen d’un gourdin ”. En plus de
cela, avec un vrai gourdin. Tandis que le patient avait perdu connaissance,
qu’il était “ de l’autre côté ”, on pratiquait alors sur
lui l’opération nécessaire.
Dans l’hypnose de type
Rausch, à la place du gourdin l’hypnotiseur utilise des instruments puissants,
inattendus, brisant tout stéréotype et modèle. Un de mes collègues avait
pour habitude de débuter ses conférences de la manière suivante : une
fois l’amphithéâtre rempli, le conférencier se présente sur la scène (un
ancien patient du collègue) et commence à dire d’une voix étudiée –
Chers amis, nous sommes réunis aujourd’hui, afin de… “ Dors ! ”
– retentit soudain en coulisse dans un bruit de tonnerre la voix de
l’hypnotiseur. Le conférencier tombe alors en catalepsie (tétanie).
Ensuite, le “ maestro ” en personne apparaît sur la scène en
costume blanc, et déclare d’une voix douce et sereine au public en transe :
“ Le thème de mon exposé est l’hypnose ”.
Ou un autre exemple. Vers la
fin des années 1980, Anatoli Kachpirovski, psychothérapeute alors “ à
la mode ”, tenait dans les maisons de la culture des séances d’hypnose
pour toute la salle. Beaucoup auraient aimé obtenir de lui une consultation
individuelle, mais il ne recevait pas les patients au cas par cas. D’une part,
il n’aimait pas “ lambiner ” avec chaque personne séparément,
et d’autre part même s’il avait voulu, il n’aurait pu prendre en charge
tous les volontaires. Malgré ce fait, certains sont tout de même parvenus à
le persuader de les recevoir individuellement. Un jeune homme (d’une taille
d’environ deux mètres) voulait absolument arrêter de fumer. Anatoli lui a
donné “ rendez-vous ” dans le couloir de la salle des sports, après
le “ show ” collectif. Après plusieurs semaines d’attente,
passant au prix d’efforts surhumains à travers le cercle des policiers empêchant
quiconque d’approcher le “ faiseur de miracle ”, le jeune homme
était, comme on dit, “ à cran ”. Ce que le maestro savait aussi,
raison pour laquelle il avait opté pour la méthode “ Rausch ”.
Le jeune homme patientant dans le couloir voyait défiler dans sa tête une
image après l’autre : le grand hypnotiseur allait le conduire dans un
endroit “ spécial ”, le faire asseoir dans un fauteuil
confortable, puis d’une voix douce et magique commencerait à l’endormir.
Mais pourquoi n’arrive-t-il pas ? Le spectacle est déjà fini depuis
longtemps. Où est-ce qu’il peut être ? Il n’a quand même pas oublié ?
Mais non, le voilà qui arrive ! Maintenant il va me prendre la main !
Maintenant !
Kachpirovski ne lui a pas pris
la main, comme il n’a pas commencé à l’endormir. Il s’est simplement
approché de lui, lui a donné une frappe dans le dos et d’une voix
tonitruante lui a ordonné : “ Ne fume plus ! ! ! ”,
pour ensuite poursuivre son chemin calmement.
Le grand colosse est resté là,
piétinant quelques minutes, bouche bée, puis il est rentré chez lui. Après
cela, il n’a plus jamais fumé.
L’hypnose
Ericksonienne
Ce type de
transe hypnotique a été élaboré par un psychologue américain, Milton
Erickson. Cette hypnose se trouve à la limite de la frontière du
fantastique. Erickson, comme s’il le faisait accessoirement, plongeait le
patient en transe au cours d’une simple discussion. Le patient ne se rendait
pas compte – tandis que durant la discussion, toujours assis à la même
place, les yeux grands ouverts, il répondait aux questions – qu’il était
en état d’hypnose. Aujourd’hui nombre de spécialistes ont adopté cette
méthode.
Je vais tout de suite vous raconter à quoi vous attendre après avoir frappé
à la porte de leur cabinet.
La séance débute avec ce qui
s’appelle l’“ ajustement ”. Pendant la discussion, le psychothérapeute
prend la même position du corps que vous. Si vous vous en rendez compte,
il est alors inutile de continuer. Si en revanche vous ne le réalisez pas, après
le “ mime ” de la position du corps, l’hypnotiseur commence à
adapter sa respiration. Soit il conforme sa respiration à la vôtre,
soit il commence à bouger l’un de ses membres sur votre rythme respiratoire,
par exemple en agitant sa main sur cette mesure, ou encore se met à parler
seulement lorsque vous expirez (car nous prononçons les mots en expirant).
Lorsque le psychothérapeute dit quelque chose juste au moment où vous expirez,
cela fait facilement apparaître en vous l’illusion que ce sont vos propres
paroles intérieures.
En prenant le rythme du
patient, le psychothérapeute le “ suit ” un moment, après il “ passe
devant ”. Par exemple, les deux respirations se poursuivent un moment
ensemble, puis l’hypnotiseur commence lentement à modifier le rythme de son
souffle. Si le patient le change aussi en fonction de ce dernier, cela signifie
que celui-ci le “ suit ”, soit que le rattachement est réussi.
Après être “ passé
devant ”, le psychothérapeute commence la transe inductive.
Pendant la discussion, il pose une question inattendue, voire idiote qui met
quelque peu le patient dans l’embarras et le pousse à faire appel à sa mémoire
visuelle. Par exemple : “ Comment étiez-vous habillé le soir du
Nouvel An ” ou “ Quand avez-vous tenu pour la dernière fois dans
vos mains un billet de 50 euros ? ”. Il est parfaitement probable
qu’à ce moment-là le patient dirige son regard sur le côté, puis légèrement
vers le haut, signalant qu’il cherche dans sa mémoire visuelle.
Ensuite, l’hypnotiseur
commence à dire des choses à première vue tout à fait insignifiantes :
il entame une histoire, et lentement y insère quelque chose se rapportant à la
relaxation ; par exemple, que le patient a passé ses vacances à la mer et
qu’il s’est justement allongé au bord de l’eau sur le sable chaud.
Qu’il a senti combien son corps se relâchait de plus en plus… Il regardait
le ciel, a été pris d’un léger étourdissement et le sommeil le guettait…
Le soleil lui faisait mal aux yeux, il s’est couché les paupières fermées…
Il a l’impression de continuer à regarder l’eau et en apercevant un poisson
nageant paresseusement, c’est comme s’il avait pensé : “ est-ce
que le poisson aussi connaît le relâchement et la sensation de tomber en
transe ? ”
Je n’ai absolument pas
expliqué ce qu’était l’hypnose Ericksonienne pour apprendre au lecteur
comment s’opposer à l’hypnose. Quel intérêt y aurait-il à cela ?
Le sentiment agréable d’“ entourlouper ” l’hypnotiseur ?
Vous ne gagnerez avec ceci que de sortir du cabinet comme vous y êtes entré.
Si en revanche l’hypnotiseur réussit son “ entourloupe ”, le
patient sera alors libéré de sa maladie.
|